Le sort du loup n’intéresse personne en France, et pourtant le destin en particulier de cette espèce est étroitement lié à celui de l’homme. c’est aussi une question de représentation culturelle. Dans de nombreux pays, l’imaginaire du loup a des aspects positifs, il symbolise dans les contes et les images le courage du guerrier, la capacité à vivre seul, à se dresser contre tous à l’occasion. En France, cet imaginaire est purement négatif : le loup est présenté comme un idiot dangereux (Ysengrin dans le Roman de Renart), un symbole du mal dont on ne retient que la dévoration, un croquemitaine (l’histoire du Petit Chaperon Rouge), un marginal. Bien entendu, ces imaginaires ne correspondent pas à la réalité du loup. Mais ils colorent l’attitude de l’homme. Pour l’inconscient collectif français, le loup n’est pas le bienvenu. En effet, après les supposés attaques contre des troupeaux de brebis fin juillet, une décision complètement irresponsable de nos politique(une fois de plus) est survenue en autorisant l’abattage d’un spécimen, afin de contenter une poignée d ‘éleveurs tout aussi insensés, puisque très largement indemnisés après chaque perte. Aujourd’hui on est même plus capable de cohabiter avec une centaine de loup en France, alors
que dans le même temps, on accepte l’élevage et l’abattage d’un milliard de brebis par an dans le monde pour nourrir partiellement l’humanité. En mars 2010, je relayais les propos de Christian Lévêque sur la préservation de la biodiversité. Il disait qu’il fallait en faire un objet de droit pour la sauver, en reprenant les propos de Michel Serres. Aujourd’hui je dirais que sauver la biodiversité, ce n’est plus qu’une question de moralité et de devoir pour toute l’humanité. C’est notre avenir en tant qu’humain qui se joue tout simplement sur cette unique sujet pourtant très largement déprécier.
» Il faut bien réaliser que la biodiversité est loin d’être le domaine réservé des naturalistes. Elle nous intéresse dans notre quotidien par ses aspects directement utilitaires (ressources génétiques, ressources vivantes, molécules pharmaceutiques, etc..). Mais elle est aussi indispensable à notre santé mentale, si l’on en croit les nombreuses relations affectives existant entre les hommes et la diversité biologique (animaux de compagnies, contes et films mettant en scènes les animaux, totems, monstres pour se faire peur..). Cette dimension psychologique est rarement abordée, alors qu’elle est probablement fondamentale pour envisager un futur dans les relations des hommesavec le monde vivant. Enfin, sans tomber d’un extrême à l’autre, il faut avoir un discours plus équilibré, plus réaliste sur la biodiversité. La dramatisation à outrance conduit à la lassitude et à la démobilisation. Les discours déclamatoires répétés à l’envie sur la nécessité de protéger la biodiversité sans être assortis
de mesures concrètes conduisent au même effet. Et, comme le dit Michel Serres,
si l’on veut faire bouger les frontières,
il faut faire de la biodiversité un objet de droit ! »